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AIDER LES AIDANTS

J’interviens actuellement dans un accueil de jour accueillant des personnes de plus de 60 ans, atteinte d’Alzheimer ou de pathologie apparentée. Ces personnes vivent encore à domicile, seule ou avec un conjoint, un enfant. Même quand elles vivent seule, il y a un proche pour les prendre en charge. Quand on ne vit pas cette situation, il est difficile de se rendre compte de la charge que cela représente. La charge mentale, de devoir penser à chaque chose, chaque détail, planifier les rendez-vous médicaux, coordonner les interventions diverses et variées ( passages d’infirmier, aide à domicile, kiné… ), s’occuper de tout l’administratif, des démarches un peu partout pour trouver les solutions à chaque nouveau problème qui se pose, gérer la maladie du proche, le soutenir, calmer les angoisses… Et quand on vit avec, parfois devoir devenir personnel soignant, faire les toilettes, les changes, aider au repas. La liste n’est pas exhaustive et est amenée à évoluer dans le temps. En France, beaucoup de solutions existent mais il n’est jamais simple d’y accéder. Je connais bien cette situation, je suis moi même proche aidante. Et même si les choses évoluent, être aidant, c’est devenir invisible. Etre aidant, c’est se substituer à la personne malade, s’oublier par manque de temps, de force. Pour en revenir à l’accueil de jour, c’est une solution pour la personne malade de pouvoir être accueillie dans un cadre sécurisé et non jugeant, avec un personnel formé et des activités adaptées. Et pour les aidants, c’est une respiration, un soutien. Un ou plusieurs jours dans la semaine, cela leur permet de souffler, de prendre du temps pour eux( même si ne nous leurrons pas, ils en profitent aussi pour faire de l’administratif, des courses, du ménage … ).

Et justement, que puis je faire pour les aidants? Leur proposer un espace pour eux, un temps pour retrouver du plaisir, en créant. Un temps pour créer, s’exprimer différemment et déposer tout ce qui pourrait les alléger. Avec la sophrologie et le yoga nidra, je leur propose également un moment de détente, et des exercices de respiration à reproduire tout simplement et en toute autonomie dès que le besoin s’en fera sentir.

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Pourquoi la sophrologie dans ma pratique d’art-thérapeute?

Durant ma formation d’art-thérapeute, je suis un module de spécialisation intitulé yogart-thérapie, animé par Colette Larcanché. J’y découvre une pratique du yoga accessible, décomplexante et surtout le yoga nidra, le yoga du sommeil, que j’expérimente lors de la formation. Dans « Yoga Nidra, une technique de transformation », Swami Satyananda Saraswati nous explique que yoga nidra est « une technique qui donne le moyen puissant de se relaxer consciemment ». Il insiste sur l’importance d’être conscient, il parle d ’ « état de sommeil dynamique » (p ,2015)

Il s’agit donc d’une méthode de relaxation profonde, pratiquée en position allongée. Cela va permettre un lâcher prise rapide.

En tant qu’art-thérapeute, je suis garante de cet espace de sécurité et de confiance pour inviter à un relâchement total.

Allongé sur le dos, sur un tapis, on commence la séance en plaçant et déplaçant son attention dans plusieurs endroits du corps. C’est ce qui est appelé la rotation de conscience. Cette première étape entraine une profonde détente et encourage la personne à prêter attention aux sensations de son corps, sans jugement et avec bienveillance. Vient ensuite une visualisation, courte ou plus longue, avec juste des images ou alors un scénario plus ou moins élaboré, qui m’apparaît comme une véritable invitation à l’imaginaire.

Je vais être très marquée par ce module, en être enrichie, et pourtant, j’ai encore du mal à faire le lien avec l’art-thérapie, des protocoles pluriexpressionnels intégrant le yoga. Pour ma période de stage pro, lors de ma formation, je choisis d’exercer dans un CSAPA, un centre de soin et de prévention en addictologie. Pour ce public particulier, je crée et imagine des protocoles autour de la relaxation en yoga associée à une pratique artistique. Je m’approprie ainsi ces outils et façonne ma pratique d’art-thérapeute.

Dans un premier temps, je réalise des séances avec quelques asana*, un yoga nidra* puis une proposition artistique. C’est un premier pas pour moi. Je souhaite une vraie continuité dans la séance, une proposition artistique qui réponde à la pratique en yoga.

Plus tard, suite à la demande des patients, à mon intérêt pour les bénéfices du yoga nidra* dans la prise en charge art thérapeutique, en concertation avec la responsable du CSAPA, et Colette Larcanché, directrice de Puzzle, je mets en place des séances plus longues et plus abouties.

Parfois, des collègues demandent à assister aux séances groupales pour mieux comprendre ma démarche. Une stagiaire en psychologie, après avoir participé à un yoga nidra, me parle de sophrologie, elle a suivi une formation et trouve des similitudes entre nos deux pratiques. Cela m’amène à me renseigner sur la sophrologie, élaborée par un neuropsychiatre d’origine colombienne, le Pr Alfonso Caycedo, dans les années 1960.   

C’est une méthode corporelle de relaxation et d’accompagnement inspirée entre autres du yoga et de l’hypnose. Son approche se veut à la fois pédagogique et thérapeutique, et rend le patient acteur du soin.

En combinant des exercices de respiration et de décontraction du corps à des visualisation positives, le but est d’atteindre un état de conscience intermédiaire entre sommeil et éveil.

Cela va permettre une prise de recul, un abaissement du stress et un lâcher-prise. La personne devient actrice de sa prise en charge en étant encouragée à refaire ces exercices en autonomie régulièrement pour accroitre le bénéfice.

Un concept de la sophrologie me parle en particulier, la sophro-présence du positif ou également sophro-présence immédiate, c’est-à-dire que la personne va mobiliser un élément positif réel, vécu ou imagée et y projeter des sensations agréables associées dans tout ou partie du corps. Cette technique est conseillée en sophrologie dans la recherche du bien-être et répond tout à fait aux attentes des participants à mes séances. Je décide de proposer aux personnes participant à l’atelier de réaliser un grigri, qui s’inspire directement de l’objet transitionnel de Winnicott. Cela va leur permette de se raccrocher au bien-être ressenti pendant la séance. Pour cette raison je déroge au cadre habituel de l’art-thérapie qui fait que je garde les productions d’un patient et ne les lui remets qu’en fin de prise en charge. Il serait illogique de conserver ces œuvres destinées à être un soutien entre deux séances.

C’est ainsi que je décide, à la suite de ma formation d’art-thérapeute, de me lancer dans une formation pour devenir sophrologue, qui serait un outil de plus à intégrer à ma pratique d’art-thérapeute. En effet, les visualisations du yoga nidra ou de la sophronisation permettent au patient non seulement de s’évader, se détendre, mais également de relancer le processus d’imagination quand celui ci vient à faire défaut.

Mon rapport à la mort

Il s’agit là d’une réflexion plus personnelle et intime que ce que j’ai l’habitude d’écrire. En rédigeant le brouillon, je me suis rendue compte de sa longueur, j’ai hésité à tout publier.

Un de mes oncles était tailleur de pierre. Dès mes trois ans, j’ai régulièrement passé du temps avec lui pendant les vacances. Il m’emmenait souvent avec lui au travail, il en avait la possibilité. Il travaillait dans des endroits pas ordinaires et qui me fascinaient, les cimetières. Petite, je n’avais pas vraiment conscience de ce que cela représentait. Puis à l’adolescence, j’avais appris à connaître et apprécier ces lieux que je voyais du même œil que les monuments historiques que je visitais. Il faut dire que travailler au père Lachaise ou au cimetière de Montmartre a un certain cachet. Cela m’a ouvert également à d’autres traditions que celles de ma famille, des épitaphes parfois drôles, tendres, originale, voir carrément loufoques, à l’image de cette dame qui venait de perdre son mari, qui adorait aller à la chasse aux escargots, venue avec une énorme coquille d’escargot, une des dernières prises de son mari, pour qu’elle serve de modèle à graver sur sa pierre tombale. J’ai ainsi apprivoisé ces lieux particuliers. J’ai appris, avec le concours de cet oncle, à réaliser les dorures à l’assiette, avec des feuilles d’or, sur les pierres tombales qu’il gravait. Petit détail qui m’avait amusée à l’époque ( on était dans les années 80), mon oncle recevait les familles endeuillées dans son atelier, lorsqu’elles venaient expliquer leurs attentes. Atelier qui était « décoré » de nombreux calendriers de routiers, en vogue à l’époque. Calendriers qui représentaient de jolies femmes plus ou moins dénudées, qui ont contre toute attente provoqués plus de rires que d’indignation.

Un jour, en cours, je dois avoir une dizaine d’années, il nous est demandé de faire un arbre généalogique, quelque chose dans le genre. Je le réalise avec l’aide de ma mère qui pour l’occasion, me parle de sa famille. Elle sort alors une boîte de vieilles photos que je ne connaissais pas, et me montre la photo d’un bambin, en longue robe de baptême, le visage curieusement figé. Je lui demande qui est ce bébé, et j’apprends que ma mère a eu un petit frère, décédé à quelques mois. Son prénom me dit quelque choses et il s’avère que chaque année, au moment de la toussaint, j’allais avec mes grands parents maternels, déposer une composition de fleurs blanches sur sa tombe. Je n’ai jamais posé de question quand à savoir qui était cette personne, le fait que les fleurs soient blanches aurait dû me mettre la puce à l’oreille, ma grand mère, très pieuse et très respectueuse des traditions, considérait que les fleurs blanches au cimetière étaient exclusivement réservées aux enfants morts. Et il y avait une photo de cet oncle que je n’ai jamais connu, posant dans les bras de ma mère petite fille, trônant sur le buffet de salle à manger chez mes grands-parents. Là non plus je n’ai jamais posé de question. Comme si je sentais que le sujet était douloureux.

Le premier décès dont je me rappelle était celui d’un cousin de ma mère, que je connaissais bien mais que je n’appréciais pas vraiment. J’étais peinée pour ceux qui l’aimaient et pour mon frère, qui était son filleul. Je devais avoir 7 ans et j’avais été choquée de devoir « rendre visite » avec mes parents et que l’on m’oblige à voir son cadavre exposé.

Plus grande, j’ai perdu mes grands parents. Mon grand père paternel est décédé quand j’étais bébé, je ne l’ai pas connu. La première à partir après lui était sa femme, ma grand mère paternelle, quand j’avais 11 ans. Elle vivait chez nous et, si elle est morte à l’hôpital, son corps est resté exposé dans notre salon transformé en chambre funéraire. Cela m’effrayait profondément, surtout quand la nuit je me levais pour aller aux toilettes et que je devait passer devant les portes vitrées du salon. J’allumais toutes les lumières, fermais les yeux, demandais à ma sœur de descendre avec moi, mais le ronronnement de la table refroidissante sur laquelle elle avait été installée me rappelait que son cadavre était bien là. L’horreur a atteint son comble pour moi quand mes parents nous ont imposé de l’embrasser pour lui dire au revoir. Cela m’a valu des semaines de cauchemars. Que mes parents nous aient infligé cette épreuve m’avait fortement révoltée, aujourd’hui je sais à quel point cela faisait partie des coutumes familiales et que cela n’avait rien de choquant pour mes parents.

J’ai 16 ans quand mon grand-père nous quitte, pendant les fêtes de fin d’année. C’est un déchirement pour moi. Nous étions très proches et il s’est beaucoup occupé de moi. C’était un confident, un modèle aussi pour moi. Il me faudra de nombreuses années et une thérapie pour enfin être apaisée de son absence. Son corps est exposé dans le séjour chez ma grand-mère. Ma mère et son frère restent sur place jour et nuit. Moi je suis présente la journée. Je ne veux pas voir le cadavre de mon grand-père, je veux en garder uniquement l’image bien vivante, mais mes parents et ma grand-mère insistent et m’obligent à le voir. C’est d’une grande violence pour moi, d’autant plus qu’il est gonflé, et d’une teinte pas très belle. Cette image me choque et restera longtemps. Je suis très perturbée et essaie de ne rien en laisser paraître. Il me reste une impression de flou et de brouillard des jours qui ont précédé l’enterrement, et même de ce jour là : Ma grand-mère, forte jusqu’au moment où le cercueil de mon grand-père quitte la maison pour l’enterrement, son insistance pour que je m’exprime lors de la cérémonie, je suis adossée à un pilier pour parler, j’ai l’impression que le sol va se dérober sous mes pieds, la réception d’après le passage au cimetière, je crois d’ailleurs que je n’y suis pas allée, je suis restée chez ma grand-mère pour accueillir tous les amis, les bouteilles de vin de mon grand-père, je crois qu’on les a toutes bues, parce qu’il aurait voulu les partager avec ceux qu’il aime. Deux ans plus tard, ce sera au tour de sa femme, ma grand mère, de s’en aller à son tour. J’ai 18 ans et je me sens orpheline presque. C’est une grande souffrance. Petite, ils ont pris soin de moi, m’ont aimé, éduquée. Mais cette fois ci les choses seront différentes, je ne verrai pas le corps de ma grand mère, parce que mon ami de l’époque va s’interposer enter mes parents et moi, prendre ma défense quand j’explique à mes parents que je ne veux pas la voir, que cela me choque. Toute la famille fait bloc, me dit qu’elle est très belle, qu’on la croirait juste en train de dormir. Je déteste qu’ils s’obstinent à vouloir me convaincre, non seulement il faudrait que je la vois, mais qu’en plus je le fasse de mon propre chef, puisqu’ils comprennent quand même qu’ils ne pourront m’obliger. J’ai d’autres biais pour vivre ce deuil et mon chagrin.

A l’époque du lycée et de ma jeune vie d’adulte, je perds aussi beaucoup d’amis, morts de suicide, d’accidents de voiture ou de maladie. Je me questionne beaucoup sur la mort, sur ce qu’il y a ou pas après. J’écris beaucoup de poèmes sur le sujet. Je rédige des nécrologies humoristiques sur ma propre mort ou celle de mes amis, je tente de conjurer quelque chose par ce biais, d’amadouer cette grande faucheuse qui rafle les personnes qui me sont proches. Je m’entoure de gris gris et je peins, je dessine aussi sur ce sujet. J’étudie les vanités en peinture, je lis beaucoup de philosophes pour trouver un sens à la vie.

Et pourtant, à aucun moment, je ne consulte un thérapeute. Parce que dans ma famille, c’est réservé aux fous. Et je ne suis pas folle.

En 2007, alors que je travaille en librairie, une dame, jeune, elle doit avoir la trentaine, vient me demander conseil. Elle cherche un ouvrage pour parler avec sa fille de 3 ans de la mort de son conjoint, le papa de cette petite. Ce jour là, j’ai pris beaucoup de temps avec elle pour trouver les bons ouvrages, il n’y avait pas grand chose. J’ai du mal à contenir mon émotion devant son désarroi, je la laisse parler, beaucoup. Jusqu’au moment où elle lâche, presque en murmurant, que son conjoint est décédé pendant sa grossesse, et qu’il a été difficile pour elle d’accueillir seule cette petite fille. J’en reste sidérée un moment, je lui demande  » elle a quel âge déjà, votre fille? » Je me rends compte ma maladresse, bafouille que je cherche quel livre serait approprié, mais je suis sidérée par cette information. Je réalise à quel point les personnes peuvent se retrouver seules et sans savoir vers qui se tourner pour les aider.

J’ai vécu bien d’autres deuils, le but n’est pas d’en faire la liste.

J’expliquerai dans le prochain article quel à été mon cheminement pour en arriver à vouloir accompagner le deuil, et quels sont les moyens que je mets en œuvre pour y parvenir.

ACCOMPAGNER LE DEUIL

Avec le recul de la religion dans notre société, les rites funéraires s’effacent, parfois au profit de nouvelles pratiques laïques plus sobres, mais laissent aussi parfois un vide que certains peinent à combler. Depuis le milieu du 20ème siècle, nous assistons à une érosion de la pompe funèbre, finies les longues veillées aux côté du défunt, les cortèges lors des funérailles et la présence, parfois étouffante mais souvent réconfortante de la famille et des proches.

Il nous faut aujourd’hui envisager et concevoir de nouvelles manières d’accueillir la mort, et de vivre le deuil. Cela peut passer par un suivi en sophrologie, qui va permettre de baisser les tensions, d’avoir un sommeil de meilleur qualité, calmer la culpabilité, d’accueillir ses sentiments, quels qu’ils soient. En art-thérapie, un travail autour du rituel peut être envisagé, pour apaiser un deuil empêché par exemple( comme il y en a eu tant en période de confinement). L’art-thérapie va être particulièrement pertinente quand les mots ne sont pas possible à poser. Ce travail peut se faire seul, en couple, en famille si besoin.

Le travail ne sera pas de  » faire son deuil », injonction terrible et profondément culpabilisante, mais d’apprendre à vivre le plus sereinement possible avec son deuil, qui fait partie de la vie. Le deuil est une cicatrice, faisons en une cicatrice la plus belle possible.

Ma formation

En 2016, j’entame une thérapie et me sépare du père de mes enfants. La psychologue qui me suit conforte mes envies de m’orienter vers l’art-thérapie et en 2017, je franchis le pas, monte un dossier Fongecif de formation continue et je me lance en novembre 2017.

J’ai choisi avec soin la structure avec laquelle je veux me former. Ce sera PUZZLE, à Lambersart près de Lille. (https://www.puzzle-art-therapie.com/) Je passe ma soutenance de mémoire en juin 2021, pour obtenir mon titre RNCP de niveau VI. Presque 4 ans à étudier, me former, me remettre en question sans cesse, à douter, à me conforter. Un premier stage à L’UHSA de Seclin, en psychiatrie carcérale, puis un stage au CSAPA le PARI de Lille, en addictologie. Ma pratique se professionnalise et je me l’approprie. Je crée de nombreux protocoles originaux qui mèlent yoga nidra et médias plastiques.

Cela m’amène à explorer la sophrologie et en mars 2021, parallèlement à l’écriture de mon mémoire d’art-thérapie et la préparation de ma soutenance, j’entame une formation en sophrologie à l’EFSS (https://supdesophro.fr/ ).

Ma vie d’avant

J’ai fait des études d’histoire de l’art et d’arts plastiques. Je deviens conférencière nationale des monuments historiques en 2004 et prend plaisir pendant quelques années à faire découvrir le patrimoine des villes de Picardie, je mène de nombreux projets dans des écoles, des associations, monte des projets variés. Parallèlement à cet engagement, je travaille dès 2009 chez Cultura, où j’occupe le poste d’animatrice à l’atelier créatif. Je reçois tout type de public, sur tout type de technique de loisir créatif ou beaux arts. Je mène des collaborations avec la ville de Saint Quentin pour animer les temps forts festifs tout au long de l’année, je travaille avec des EHPAD, le CSAPA, le SESSAD… J’aime ce travail et le contact humain. Mais très vite, je rencontre un obstacle de taille. Dans cette petite ville à l’offre culturelle limitée, de nombreuses clientes viennent à l’atelier sur la recommandation de leur médecin ou de leur psychologue. Ce sont en général des dames d’un certain âge. Elles viennent de divorcer ou de perdre leur mari, leurs enfants sont grands et partis parfois loin, elles vivent mal leur retraite… Elles viennent chercher auprès de moi une aide pour combattre une dépression qui s’installe.

J’ai suivi quelques cours de psychologie quand j’étais à la fac, mais ne suis pas armée pour accueillir ce qu’elles semblent fermement vouloir me déposer. Elles viennent régulièrement, nous lions des liens qui , s’ils ne sont pas à proprement parler amicaux, dépassent malgré tout le simple lien cliente- animatrice.

Je rentre donc certains soirs alourdie d’un poids qui n’est pas le mien et que je peine à gérer.

J’entame donc des recherches pour trouver la solution à mon problème. Et de fil en aiguille je découvre l’art thérapie. Je vais laisser plusieurs années à ce projet pour mûrir. Je ne me sens pas à la hauteur de ce projet, pas légitime, et surtout je n’ai aucun soutien de mon compagnon de l’époque. Je me concentre sur ma vie de famille et gère tant bien que mal ce que je reçois de mes clientes en atelier.

J’aime mon travail, mais j’en perçois les limites, je ne me vois pas continuer encore des années, j’ai envie de changement.

L’apport de la sophrologie et de l’art-thérapie dans la prise en charge de l’endométriose.

Tout d’abord, un petit rappel. L’art-thérapie, tout comme la sophrologie ne soignent en aucun cas l’endométriose. Aucune de ces approches ne dispense d’un suivi médical. Elles viennent en complément, en soutien, dans le cadre d’une approche globale et pluridisciplinaire.

L’endométriose est une maladie gynécologique chronique de la femme en âge de procréer qui se caractérise par le développement de la muqueuse utérine( endomètre) en dehors de l’utérus, colonisant d’autres organes avoisinants. Les symptômes sont variés, je vous mets une petite infographie du site https://solidarites-sante.gouv.fr/ .

Je vous renvoie pour plus d’informations sur le site très bien fait de l’association française de lutte contre l’endométriose : https://www.endofrance.org/la-maladie-endometriose/qu-est-ce-que-l-endometriose/

la sophrologie va pouvoir aider sur trois tableaux : aider à gérer la douleur par soi-même, réduire le stress et renouer avec son corps. Les exercices de respiration dynamiques vont avoir un vrai bienfait pour mieux gérer la douleur, la comprendre, être capable de prendre du recul pour l’appréhender. Les sophronisations ( visualisation) vont permettre de créer un espace sécurisant dans lequel se réfugier et s’isoler quand il y en a besoin.

L’art-thérapie va pouvoir soutenir la personne avec un travail de fond sur l’infertilité par exemple, intégrer à son chemin de vie les changements que la maladie impose. Devenir actrice de sa prise en charge pour ne pas la subir. Mais également pouvoir exprimer ses ressentis, les identifier. Cela peut passer par des médias très différents, les arts plastiques, l’écriture, mais aussi le conte, la musique…

L’art-thérapie pluriexpressionnelle

L’art thérapie est une forme de psychothérapie qui s’articule autour de la création artistique, qu’elle soit musicale, plastique, théâtrale… La démarche thérapeutique, grâce à ce biais artistique, a pour but de se mettre ou remettre en contact avec sa vie intérieure, être en capacité de l’exprimer et la transformer en laissant surgir les images intérieures.

L’art-thérapie permet de révéler les forces créatrices d’un sujet. Il est invité à déposer ses peurs, à éveiller sa curiosité de faire et d’agir sur le monde.

La présence du médium artistique et de l’œuvre produite place la personne en tant que sujet, dans son vécu authentique et sa propre responsabilité.

La qualité ou l’apparence de l’œuvre produite n’est pas le but principal, c’est le processus créatif qui est thérapeutique, ainsi que la relation au thérapeute.

L’art-thérapie pluriexpressionnelle, un art de soigner autrement, est un concept original d’accompagnement art-thérapeutique et de connaissance de soi développé par Colette Larcanché et enseigné au sein de Puzzle, association régionale d’art-thérapie du nord.

Colette Larcanché , explique considérer l’art-thérapie comme « pratique psycho-thérapique intégrant la dimension esthétique dans le cadre d’une relation thérapeutique par la production de formes artistiques couvrant tous les domaines de l’expression. »

En art-thérapie, ce n’est pas l’art en lui-même, qui est thérapeutique mais bien la relation entre le thérapeute et le patient. Cette relation étant elle-même amenée par l’art devenant médiateur de cette relation. « Il permet et alimente la relation » (C. Larcanché, 2001)

L’art-thérapeute pluriexpressionnel invite le patient dans un dispositif symbolisant qui a pour but de relancer le processus de symbolisation, un concept psychanalytique développé par Freud qui s’appuie à la fois sur la symbolisation primaire, qui apparaît avant le langage et concerne les sensations et la symbolisation secondaire, qui est la symbolisation par la parole.                                                                                                 Ce dispositif est un terrain de jeu, espace de liberté mis en place par le thérapeute, où tout peut être exprimé et qui va servir à donner ou redonner un « élan psychique » ( C.Larcanché, 2002).

Cette liberté est permise par la stabilité et la sécurité du cadre fixé en amont et le processus est soutenu par des protocoles, ensemble organisé de propositions avec un objectif thérapeutique. La méthode de l’art-thérapie pluriexpressionnelle accompagne ce processus de symbolisation grâce aux quatre temps du déroulé de la séance. Le premier consiste en un temps d’intériorité permettant de se connecter à ses ressentis corporels et se mettre dans un état de disponibilité. Il se fait principalement grâce à des propositions de relaxation, de visualisation et d’ancrage. Puis intervient le temps de la création partagée dans une succession de mouvements qui vont de l’intérieur vers l’extérieur, liaison entre le conscient et l’inconscient. Il aboutit à la réappropriation et la transformation des liens ébauchés.  Ce temps est suivi d’un dialogue intérieur avec l’œuvre qui permet et de s’approprier l’œuvre et de s’en détacher. La quatrième étape correspond à un temps de partage, qui est un temps d’échange verbal et qui permet à la personne de communiquer sur son vécu et de poursuivre le processus de symbolisation.                                                                                                                     

Jean-Pierre Klein définit l’art-thérapie comme « une psychothérapie à support artistique. L’art serait ainsi un moyen parmi d’autres, une technique au même titre que le médicament. En fait, l’art-thérapie est bien davantage : elle interroge l’art comme elle interroge la thérapie, elle explore leurs points communs comme leur enrichissement réciproque dans une complémentarité étonnante. »,

Jean-François Rabault (2007 ) nous présente l’art-thérapie comme « une pratique de soin, d’aide ou d’accompagnement, dans laquelle le sujet est invité à utiliser librement une ou plusieurs formes d’expression artistique comme médiations de la relation thérapeutique. L’art-thérapeute met en œuvre les conditions susceptibles d’apporter une transformation de la personne. L’art n’est pas thérapeutique en lui-même, c’est la relation développée par le thérapeute, la nature du cadre et du dispositif qui lui confèreront ses fonctions thérapeutiques. »  

Le but n’est pas artistique mais bien thérapeutique. L’art acquiert des fonctions thérapeutiques de par la relation avec le thérapeute, les méthodes et le cadre.

Pour moi, l’art-thérapie ne peut être que pluriexpressionnelle.  Tout d’abord, concernant la stratégie du détour (Klein, 1997) , parce que si je constate un blocage de la personne sur un média proposé, ou parce qu’elle maîtrise tellement la technique qu’elle n’est plus dans le lâcher-prise mais dans la réflexion et la concentration pour une parfaite réalisation, je dois pouvoir lui proposer un autre médium, ou un autre média. Mais également parce que quand je crée, c’est plastique, mes médiums de prédilection sont le papier, le tissu, la peinture, je crée aussi bien en 2D qu’en volume. J’aime passer par le masque ou la marionnette pour permettre à la personne de verbaliser au travers un autre qu’elle choisit. Je ne suis pas musicienne, mais j’œuvre toujours en musique. J’aime expérimenter, détourner et ne peux concevoir de m’en tenir à une technique, un médium. Je ne veux pas non plus m’y restreindre.  

Les étapes de l’art-thérapie

  1. Le besoin Il s’agit de chercher un mieux-être dans sa vie personnelle ou professionnelle.
  2. La démarche L’art-thérapie est une thérapie douce basée sur le non-verbal.
  3. L’objectif Il est défini en concertation avec l’art-thérapeute à la suite du bilan expressionnel, réalisé dès le début du suivi.
  4. Le processus Trouver le moyen d’expression adapté pour débuter.
  5. La création Mise en place du processus de création, sécurisant de par le cadre mis en place par le thérapeute. Mise en condition: respiration, musique…
  6. L’observation Le thérapeute observe le processus créatif, établit le lien thérapeutique, instaure le dialogue. Il y a toujours notion de non-jugement.
  7. L’expérimentation Trouver le média et le médium qui vont permettre au patient de s’exprimer au mieux
  8. L’expression Parler de soi au plus profond. Trouver ses ressources, sa force, sa confiance.
  9. Les bénéfices Répondre aux besoins de la personne. Voir les effets au quotidien.